CYCLE des PENSÉES

Ce cycle « Pensées » n’est qu’une petite incursion dans l’univers culturel de mon pays, et d’une certaine façon de mes rencontres littéraires. Les poètes et les écrivains de mon enfance ont stimulé et parfois fait scintiller mon esprit, en m’ouvrant des perspectives insoupçonnées. Paradoxalement, c’est sous une dictature que l’affect et l’intellect s’enrichissent le plus, l’excitation de lire des ouvrages censurés, des œuvres rares ou étrangères, apporte davantage que toute autre imposition d’un quelconque ministère de l’éducation nationale ou de la censure étatique. Mais les ouvrages interdits n’étaient pas pour une petite fille comme moi, dans ces temps-là, je suivais sagement le programme scolaire, mes auteurs classiques, et cependant avec plus que d’un simple intérêt. Je me piquais de connaître toujours plus que ce que le manuel scolaire disait. Cela plaisait beaucoup autour de moi, et cela me plaisait de surprendre les autres.

Les textes de ma jeunesse, gardés pudiquement dans un coin de ma mémoire, ne représentent sans doute pas un intérêt majeur pour des lecteurs français. J’ignore si leur parfum qui m’a tant marqué pénètre ne serais-ce qu’un peu dans le goût des amateurs de littérature d’ici. Mais peut-on débattre du temps de son enfance, avec ses corvées, ses victoires et ses épreuves ? Je ne me justifierai pas, je ne rendrai aucun compte de mes choix, de mes traductions et trouvailles égrainées sur divers articles, dont je cite généralement les références. Les ouvrages roumains de spécialité regorgent de critiques sur chaque homme de lettres retenu. Tous ces auteurs disparus ne sont disparus que pour les ouvrages d’histoire, ils sont toujours vivants pour moi et pour bon nombre de mes camarades. Je les découvre encore aujourd’hui, car lorsque j’ai quitté mon pays, je ne les avais pas tous lus, certains concentrent et traitent des thèmes trop complexes pour une adolescente. Je ne leur rends sans doute pas totalement justice, mais ce n’est pas le but que je me suis fixé. Je pourrais tout aussi bien constituer un cycle de pensées sur des auteurs français et un autre de grands noms de littérature universelle. Chaque chose en son temps.

 

 

Pensées pour DÉCEMBRE:

 

Carmen Sylva, Elisabeth– Reine de Roumanie (29 dec. 1843 – 2 mars 1916). Épouse du roi Charles Ier de Roumanie. Musicienne, peintre et poète, elle a réuni les récits et légendes de son pays, publié des poésies, et laissé des Mémoires sous le pseudonyme de Carmen Sylva.
Les pensées d’une reine, un volume d’aphorismes en prose publié en 1882 à Paris, qui sera récompensé par le prix Botta, décerné tous les trois ans par l’Académie française, et sera publié en allemand en 1890 à Bonn sous le titre Vom Amboss :

« La bêtise se met au premier rang pour être vue; l’intelligence se met en arrière pour voir. »
« Les ennemis ne sont utiles que tant qu’il s’agit de monter. Au sommet, il n’en faut plus. »

« Quand on veut affirmer quelque chose, on appelle toujours Dieu à témoin, parce qu’il ne contredit pas.
« Pourquoi décrire le laid, quand le beau n’est pas encore épuisé? »
« Vous ne pouvez être spirituel que lorsque ceux qui vous entourent le sont aussi. Le coq a beau chanter aux canards, ils ne l’entendent pas. »

 

 

Pensées pour JANVIER:

Le 15 janvier a été choisi comme Journée Nationale de la Culture en Roumanie. C’est précisément la date de naissance du plus grand poète roumain, Mihai Eminescu (né le 15 janvier 1850 – 15 juin 1889).

À son propos le critique littéraire Titu Maiorescu* écrivait : « Autant que l’esprit humain peut prévoir, la littérature poétique roumaine commencera au XX siècle sous les auspices de son génie, et la forme de la langue roumaine qui a trouvé dans le poète Eminescu la plus belle incarnation jusqu’à aujourd’hui, sera le point de départ de tout développement futur de la pensée roumaine. »

*(avocat, essayiste, esthéticien, critique littéraire, ministre de l’intérieur et membre fondateur de l’Académie roumaine et de la société littéraire Junimea).

 

POÉSIES d’EMINESCU traduites en français:

https://www.romanianvoice.com/poezii/poeti_tr/eminescu_fra.php

***

Nicolae Labiș (né. 2 déc 1935, décédé 22 déc 1956, Bucarest) poète roumain. Le critique Eugen Simion* l’a surnommé „buzduganul unei generații- la massue de sa génération”.

https://www.historia.ro/sectiune/portret/articol/nicolae-labis-poezie-si-zbucium

Eugen Simion* – critique et historien littéraire, éditeur, essayiste, professeur universitaire roumain, membre de l’Académie roumaine et président de cette institution de 1998 à 2006.
https://lyricstranslate.com/fr/moartea-caprioarei-la-mort-de-la-biche.html

 

Parlant des poèmes du volume « Lupta cu inertia (Lutte contre l’inertie) », Eugen Simion écrit:  » Ils donnent une idée de ce que Labiș aurait pu devenir (…) La différence avec les vers précédents est grande : les signes de lyrisme y sont accomplis et généralisée, ici, dans les cadres d’un poème essentiellement réflexif. Les motifs poétiques sont à peu près les mêmes, gâtés, mais, à l’intérieur, intellectualisés. »
Ion Pop écrivait, dans « Poezia unei generatii- La poésie d’une génération »: « ‘Le combat avec l’inertie annonçait pour la première fois dans nos nouvelles paroles la création d’un univers lyrique d’une grande complexité, Labiș promettant d’atteindre un nouveau niveau de classicisme, d’inclusion totale de la sensibilité de l’homme contemporain, dans le registre affectif le plus varié retenu jusqu’alors par l’histoire récente de ce lyrique. […] Nicolae Labiș a offert un exemple d’une réinterprétation possible des valeurs « classiques » du niveau de la couche de sensibilité la plus récente… »

 

Nicolae Labiș est reconnu comme le symbole d’une nouvelle génération, appelée la « génération Labiș » (dont appartiennent les poètes, collègues d’études et amis Gheorghe Tomozei, Florin Mugur, Aurel Covaci, Alexandru Andrițoiu, Alexandru Căprariu, Ion Gheorghe… etc)

 

Dans la nuit du 9 au 10 décembre, Nicolae Labiș est victime d’un accident de tramway (aux circonstances suspectes; ivre, il sortait d’une fête célébrant son anniversaire, il aurait glissé ou serait poussé par quelqu’un d’autre et tombé sur les rails), devant l’hôpital Colțea de Bucarest. Il est admis finalement à l’Hôpital des urgences. Le 10 décembre au matin, il dicte à son ami Aurel Covaci* son dernier poème, « L’oiseau au bec de rubis ». Il meurt le 22 décembre 1956, à seulement 21 ans:

 

« L’oiseau au bec rubis
Il s’est vengé, le voilà, il s’est vengé.
Je ne peux plus le caresser.
Il m’a écrasé
L’oiseau au bec rubis,
Et demain
Les poussins de l’oiseau à bec rubis,
Picorant dans la terre,
trouveront peut-être
les traces du poète Nicolae Labiș
qui restera un beau souvenir… »

Stela Covaci sa fille,* écrivaine et auteur du livre  » Nichita Stănescu – Aurel Covaci, Destinul unei prietenii »- Nichita Stănescu – Aurel Covaci, Le destin d’une amitié ». Ed Create Space Independent Publishing Platform, 2014

 

Pensées pour FÉVRIER:

Poète, romancier, traducteur, homme de théâtre et ministre de la culture, l’écrivain Marin Sorescu (né 19 février 1936 – mort le 8 décembre 1996), a été traduit dans une vingtaine de langues, devenant une figure marquante de la littérature roumaine contemporaine.
Auteur de 23 volumes de poésie. Notables : Poèmes (1965), La jeunesse de Don Quichotte (1968), La toux (1970), Fontaines dans la mer (1982), Eau de vie, eau de mort (1987), Poèmes choisis par la censure (1991) et La traversée (1994).
Notons parmi ses romans : La vision de la tanière [roman au petit bonheur la chance],
Théâtre : La soif de la montagne de sel, 1991.
Il obtient six fois Le prix d’Union des écrivains de Roumanie, le prix de l’Académie roumaine en 1968, et en 1977, Le prix de l’Académie roumaine pour théâtre, 1970, le prix Herder (1991).
Il est rentré à l’Académie Roumaine en 1992.

 

Marin Sorescu – Shakespeare

 

« Shakespeare créa le monde en sept jours.
Le premier jour il fit le ciel, les montagnes et les gouffres de l’âme.
Le deuxième jour il fit les rivières,
les mers et les océans, et les autres sentiments –
et Il les donna à Hamlet et à Jules César, à Antoine, à Cléopâtre et à Ophélie,
à Othello et à d’ autres, pour qu’ils s’en fassent maîtres, eux, et leurs successeurs,
jusqu’à la fin des temps.
Le troisième jours il rassembla tous les hommes
et leur apprit les envies:
envie de bonheur, d’amour, de désespoir,
de jalousie, pour la gloire, etc,
jusqu’à ce que toutes les envies fussent épuisées.
À ce moment arrivèrent quelques individus qui étaient en retard.
Le créateur les a caressés sur la leur tête avec compassion,
et leur a dit qu’il ne leur restait qu’à devenir critiques littéraires
et lui contester l’œuvre.
Le quatrième et cinquième jour, il les a réservés au rire.
Il a lâché les clowns pour qu’ils fassent des galipettes,
et il a laissé les rois, les empereurs et d’autres malheureux s’amuser.
Le sixième jour il a résolu quelques problèmes administratifs :
il a concocté une tempête,
et a appris au roi Lear comment porter une couronne de foin.
Il restait quelques déchets de la genèse,
et avec il a créé Richard III.
Le septième jour il a regardé s’il y avait encore quelque chose à faire.
Les directeurs de théâtre avaient déjà rempli la terre avec leurs affiches,
et Shakespeare s’est dit qu’après tant de labeur,
il mériterait de voir lui aussi un spectacle.
Mais d’abord, comme il était très fatigué, il est parti mourir un peu. »

 

Marin Sorescu – Jeu d’échecs

« Moi je déplace un jour blanc
Lui, il déplace un jour noir
Moi j’avance d’un rêve,
Lui, il me le prend à la guerre,
Lui, il attaque mes poumons,
Moi, je pense une année dans l’hôpital,
Je fais une combinaison brillante
Et je lui gagne un jour noir.
Il déplace un malheur
Et me menace du cancer
(qui va pour le moment en forme de croix),
Mais je mets devant lui un livre
Et l’oblige à se retirer.
Je lui gagne quelques pièces de plus,
Mais, voila, une moitie de ma vie
Est mise en marge.
– Je te fais échecs et tu perdras l’optimisme,
Qu’il me dit.
Derrière moi, ma femme, mes enfants,
Le soleil, la lune et les autres comparses
Tremblent pour chaque pièce que j’avance.
Moi, j’allume une cigarette
Et continue la partie ».

 

Pensées pour MARS:

Nichita Stănescu « a vécu une vie intense, avec une fin abrupte, dans une gloire littéraire anthume, entrée dans la grandeur à titre posthume, entretenue par des admirations et antipathies tout aussi nourries et marquées.
Il a vaincu la médiocrité grise et agressive dans laquelle il vivait, en concurrence avec des idées et des sentiments paroxystiques, devenant une personnalité dominante, bâtisseur d’un nouvel état d’esprit, chapitre distinct de l’histoire littéraire roumaine, dernier décadent pour les modernistes, première avant-garde pour la nouvelle orientation postmoderniste. « Mircea Coloşenco, 2013.

 

« Nichita Stănescu est le poète roumain le plus important après la Seconde Guerre mondiale. Avec lui, à travers lui, le logos de la langue roumaine prend sa revanche sur ses poètes. » Augustin Doinaş, dans l’article de V. Anghelescu, 2013.

La poésie stănescienne reprend la tradition du lyrisme de l’entre-deux-guerres, réalisant du même coup, par une synthèse néo-moderne unique, la transition dans la littérature autochtone du modernisme du début du siècle au postmodernisme de la fin du millénaire. À travers elle, la deuxième grande mutation des structures du langage et de la vision poétique s’opère dans la poésie roumaine, après sa fondation par Eminescu, la première étant celle moderniste de l’entre-deux-guerres.
À chaque volume de Nichita Stănescu, une révolution perpétuelle du langage poétique s’opérait dans notre littérature, autour de ses livres se déroulait une véritable « bataille de la (néo)modernité ». Préface d’Alexandru Condeescu, 1999.

*

Chanson – Une vision des sentiments (O viziune a sentimentelor,1964)

« C’est un hasard de mon être :
et alors, le bonheur au-dedans de moi-même
est plus fort que moi, que mes os,
que tu fais crisser dans une étreinte
toujours douloureuse, merveilleuse toujours.
Causer, parler, dire des mots
longs, vitreux, comme des ciseaux qui séparent
le fleuve froid du delta chaud,
la nuit du jour, le basalte du basalte.
Porte-moi, bonheur, vers le haut, et heurte
ma tempe contre les étoiles, jusqu’à ce que
mon univers allongé et infini
devienne colonne ou autre chose,
beaucoup plus haut et beaucoup plus tôt.
Tu es – comme c’est bien, je suis – quelle surprise !
Deux chansons différentes, se heurtant, se mêlant,
deux couleurs qui ne se sont jamais vues,
une de tout en bas, vers la terre tournée,
une de tout en haut, presque déchirée
dans la fiévreuse, prodigieuse lutte
de la merveille que tu sois, du hasard que je sois ».

 

Ion Pillat, homme politique (député et sénateur), poète, éditeur et publiciste roumain, membre correspondant de l’Académie roumaine, naît le 31 mars 1891 à Bucarest. Son père a été Président du Conseil des ministres du Royaume de Roumanie. Le fils de cet homme d’état renommé à la fois amateur de lettres et connaisseur de la langue et du pays de Molière, entreprend à son tour ses études à Paris, au lycée Henri IV. Il s’inscrit ensuite à la Sorbonne en lettres et en droit, où il obtient ses licences respectivement en 1913 et 1914. Il affirmait : « Toute langue est le miroir de l’âme de la nation qui l’a créée. »

 

Sa traduction de Paul Claudel est représentée au Théâtre national de Bucarest en 1939. Il a traduit en roumain les écrits de Jean Moréas, Rainer Maria Rilke, Saint-John Perse, Carl Sandburg, Joachim du Bellay, Goethe și Walt Whitman.
Sa poésie peut être lue en français : Eternităţi de-o clipă («Éternités d’un instant»), traduction de Andreea Dobrescu-Warodin, Bucarest, Minerva, 1980.
Monostiches et autres poèmes, traduits du roumain par Gabrielle Danoux, 2015
Le Bouclier de Minerve, traduit par Gabrielle Danoux et Muriel Beauchamp, 2016

 

Ion Pillat – l’ange du souvenir – Volume Éternités d’un instant

 

« Je ne sais plus quel soir, dans une allée cachée,
Dessinée par l’automne au crépuscule subtil,
Sous les hêtres me promenant avec l’ombre de Virgile,
Un ange aux cils de femme j’ai rencontré

J’ai rencontré un ange aux yeux d’enfant.
Il dit : « Je suis le souvenir », et moi : « Oh, Déité,
En vain le poète veut t’arracher de sa pensée,
Tu le poursuis sans cesse à travers le rêve du néant ».

Comme les anges de la Loi, tu as des ailes de lumière,
Et tu es d’une si parfaite beauté
que tu fais renaître le passé, dans le frisson de ta lyre.

Je me suis tu… et lorsque la nuit dans le bois séculaire
Nous a enveloppés de calme, d’argent stellaire,
Aveuglé, je voyais seulement les astres de son regard resplendir ».

 

Pensées pour AVRIL:

 

Emil Cioran (8 avril 1911) – était un philosophe et écrivain roumain basé en France, où il a vécu jusqu’à sa mort sans demander la nationalité française. Son premier livre publié en 1934 en Roumanie, « Sur les cimes du désespoir« , a reçu le Prix de la Commission pour l’attribution des jeunes écrivains non écrits et le Prix des jeunes écrivains roumains. Il est mort en 1995.

… « J’ai le plus grand mépris pour ceux qui se moquent des suicides de l’amour, car ils ne comprennent pas qu’un amour qui ne peut être réalisé est pour celui qui aime une annulation de son être, une perte totale de sens, une impossibilité d’être . Quand vous aimez avec tout le contenu de votre être, avec la totalité de votre existence subjective, une insatisfaction de cet amour ne peut qu’amener l’effondrement de tout votre être. Les grandes passions, quand elles ne peuvent être réalisées, mènent à la mort plus vite que les grandes carences… »- Sur les hauteurs du désespoir

 

« La solitude est l’aphrodisiaque de l’esprit, comme la conversation celui de l’intelligence. »
« Si le chien est le plus méprisé des animaux, c’est que l’homme se connaît trop bien pour pouvoir apprécier un compagnon qui lui est si fidèle. »-
« Nous n’avons le choix qu’entre des vérités irrespirables et des supercheries salutaires. »- Écartèlement, 1979
« La haine équivaut à un reproche que l’on n’ose se faire à soi, à une intolérance à l’égard de notre idéal incarné dans autrui. » – La tentation d’exister
« Un ennemi est aussi utile qu’un Bouddha. C’est bien cela. Car notre ennemi veille sur nous, il nous empêche de nous laisser aller. En signalant, en divulguant la moindre de nos défaillances, il nous conduit en ligne droite à notre salut, il met tout en œuvre pour que nous ne soyons pas indigne de l’idée qu’il s’est faite de nous. Aussi notre gratitude à son égard devrait-elle être sans bornes-De l’inconvénient d’être né, 1973
« Il y a des gens si bêtes, que si une idée apparaissait à la surface de leur cerveau, elle se suiciderait, terrifiée de solitude. »
« Tout n’est pas perdu, tant qu’on est mécontent de soi. »  Emil Cioran.

 

 

Pensées pour Mai:

 

Pour son œuvre littéraire exceptionnelle, Tudor Arghezi (né le reçoit pour la première fois en 1936, le Prix national de poésie, avec George Bacovia, et un autre en 1946. En 1955, il est élu membre de l’Académie roumaine et en 1965, il reçoit le prix international Johann Gottfried von Herder. On a considéré que Tudor Arghezi est un Baudelaire roumain, car certains poèmes de son célèbre volume – « Florile de mucegai » (Fleurs de moisissure), rappellent la manière des Fleurs du Mal.

Son œuvre (poésies, des pièces de théâtre, de la prose, des pamphlets, ainsi que de la littérature pour enfants) d’une grande originalité et diversité a marqué la littérature roumaine.

*

Tudor Arghezi eu une contribution essentielle au développement du patrimoine culturel roumain. Auteur très contesté, il connaît une vie tumultueuse. Son enfance est miséreuse et triste, il doit travailler jeune. Fou amoureux il voit disparaître la jeune femme dont il est épris et à 19 ans, pour se consoler, il se tourne vers la religion. Moine, il a tout de même une aventure et reconnait son premier enfant et se marie en 1919. Il est accusé de trahison pour ses opinions politiques pacifistes et prônant la non-intervention de la Roumanie dans la Grande Guerre.

Il survit en vendant les cerises de son verger, puis il reçoit une substantielle aide financière du roi Charles II en 1931. Arrêté pour ses pamphlets publiés en 1943 dans le journal « Bilete de Papagal » (Billets de Perroquet), il est libéré  de la prison bucarestoise et du camp de travail de Târgu Jiu, en 1944, avec l’instauration du régime communiste. Il fait ses débuts littéraires à 47 ans avec le volume  “Cuvinte potrivite” (Mots choisis). Après la seconde guerre mondiale, il s’oppose à la vision politique communiste ce qui lui vaut de sévères représailles, il est interdit et marginalisé. Même contraint au silence, il continue à écrire même dans des conditions difficiles et il cache ses manuscrits des agents de la Securitate. Le président Gheorghiu – Dej le réhabilité dès 1952, il reçoit les hommages et des prix des autorités et des confrères.

Le pseudonyme Arghezi vient, explique l’écrivain lui-même, d’Argesis – l’ancien nom d’Argeș (rivière qui part des Carpates monts Făgăraș et se jette dans le Danube, région Argeș, lieu riche d’histoire (résidence de la cour royale). J’ai fait ma scolarité dans cette région.

Fin d’automne (Sfârşitul toamnei) de Tudor Arghezi

« Ô! Qui pourrait dire qu’hier encore
Il y avait par là des fleurs,
Des rossignols,
Des livres lus les yeux mi-clos
Où des rubans larges et beaux
Tournèrent tant et tant de fois ?

Pourtant, nous fûmes deux antan
Comme deux malades se promenant
Bras dessus, bras dessous ;
Comme deux esclaves tendres et doux
Sous les peupliers sévères et noirs
À l’heure de la tombée du soir.

Il faut partir ! Je suis seul
Et étranger parmi les tilleuls
Gris eux aussi,
Mais quelque chose comme un destin
Me pousse de m’attarder en chemin
Parmi les feuilles mortes des allées.

Là, où le cher passé mourut
Je me promène comme dans une tombe
Où je suis lié
Pour écouter la terre se taire,
Quand dans mon âme file le muet
Regret que les vents emportèrent. » 

http://levurelitteraire.com/tudor-arghezi/

 

Pensées pour AOUT :

 

Marin Preda (né le 5 august 1922, Siliștea-Gumești, județul Teleorman — 16 mai 1980, Mogoșoaia)

Traducteur, membre correspondant de l’Académie Roumaine, il est l’un des romanciers roumains les plus importants de l’après-guerre, membre du Parti communiste et député de l’Assemblée Nationale. Son œuvre a marqué mon enfance, (car l’auteur était au programme scolaire). Les intellectuels des années 80 débattaient ses prises de position, spéculant sur sa disparition suspecte.

 

Citons quelques titres:

Moromeții (1955 &1967) avec lequel il obtient le Prix de l-Etat en (1956) Les Moromete, traduction en français de Maria Ivănescu, préface de Mihai Ungheanu 1986.

Risipitorii, Les Prodigues (1963), L’Intrus (1968), traduction en français de Maria Ivănescu, préface de Cezar Ivănescu,1982; L’impossible retour (1972), Le Grand Solitaire (1972), Le délire (1975), La vie telle une proie (1977), Le Plus Aimé des Terriens, (1980).

Il obtient le Prix de l’Union des Écrivains Roumains en1971.

 

 

Pensées pour SEPTEMBRE:

 

George Bacovia est un écrivain roumain formé à l’école du symbolisme littéraire français. Il est l’auteur de volumes de vers et de prose écrits selon une technique unique dans la littérature roumaine, avec des influences évidentes des grands paroliers français modernes qu’il admire, mais aussi, comme le dit le vers bacovien, « d’Eminescu, Heine et Lenau.  » D’abord considéré comme un poète mineur par la critique littéraire, il connaîtra peu à peu un accueil favorable, aboutissant à sa reconnaissance comme le plus important poète symboliste roumain et l’un des poètes les plus importants de la poésie roumaine moderne.

Charles Baudelaire, Edgar Allan Poe, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Alexandru Macedonski ont influencé son écriture.

George Bacovia a été appelé le Verlaine roumain. Héritier de la poésie symboliste, il procède à une redécouverte paradoxale des motifs, des thèmes, des inclinations de cette poésie. Chez lui, la mélancolie devient désespoir, là, ennui devient souffrance. La poésie de Bacovia est un effort tragique pour communiquer ce qui ne peut se communiquer, une tentative d’articuler un chant que les mots se refusent à dire. C’est cela qui le rend si proche de notre sensibilité. » Extrait de George Bacovia, par l’écrivain et le critique Nicolae Manolesco, Editions Pierre Seghers, Collection « Poètes d aujourd hui », N° 177 – 1968.

 

Solitaire

« Déluge, tombent les étoiles blanches de cristal
Et il neige dans la nuit de péchés si pleine ;
Dans l’âtre, le feu palpite à peine –
Aujourd’hui est mort même mon rêve final.

Et il neige lors de ce minuit glacial…
Et toi, âme solitaire, tu trembles à nouveau
Dans l’âtre, dans la braise, dans le maigre feu –
Tombent doucement des larmes roses, de cristal ».

 

Plomb

 

« Les cercueils de plomb d’un lourd sommeil dormaient,
Fleurs de plomb et funèbre vêtement –
J’étais seul dans le caveau… et il y avait du vent…
Et les couronnes de plomb grinçaient.

Mon amour de plomb dormait le dos tourné
Sur des fleurs de plomb… et je me suis mis à l’appeler –
J’étais seul auprès du mort… et il faisait froid…
Et ses ailes de plomb pendaient ».

Poèmes tirés de « Les Recrues de la damnation », traduits par Linda Maria Baros, études critiques (164 p.), ouvrage scientifique, Editura Muzeul Literaturii Române, 2005, Roumanie.

 

 

George Coșbuc (né le 20 septembre 1866, mort le 9 mai 1918 à Bucarest) est un linguiste, poète, traducteur, enseignant, journaliste, écrivain, critique littéraire, juriste, ingénieur. Membre titulaire de l’Académie roumaine depuis 1916.
Sa poésie appartient au patrimoine culturel national, sa création le distingue comme un grand auteur classique de la littérature roumaine, un homme au goût littéraire parfait et un auteur canonique, qui ne peut manquer encore aujourd’hui dans les manuels scolaires. Il a également mené une prodigieuse activité pour  l’instruction et pour faciliter l’accès à la culture des paysans, étant un précurseur du mouvement « poporaniste »- le courant socio-politique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, qui considérait la paysannerie comme l’élément de base du développement social et de la création de la culture nationale.

Parfait technicien de la prosodie, George Coșbuc a utilisé une gamme très variée de pieds métriques et de rythmes, de ceux de la poésie populaire à la terza rima. Il nous a laissé une version complète de la Divine Comédie de Dante.
Parmi ses sujets littéraires : le travail de la terre, le monde rural, les traditions attachées aux grands moments de l’existence, l’érotisme paysan, la révolte paysanne, l’expérience tragique de la guerre, moments de l’histoire du peuple roumain. En 1901, il fonde avec Alexandru Vlahuță, le magazine littéraire Sămănătorul.

Pensées pour NOVEMBRE:

Mihail Sadoveanu (5 novembre 1880 – 19 octobre 1961) est un romancier, nouvelliste, journaliste, membre de l’Académie roumaine et personnalité politique. L’un des écrivains les plus prolifiques, il est surtout connu pour ses romans historiques et d’aventure, ainsi que pour ses écrits sur la nature.

Marié à Elena Bălu en 1901, Sadoveanu a eu 11 enfants. Il a été directeur du Théâtre national de Iasi, directeur de plusieurs journaux dont Semănătorul, Viața Românească, mais il a également mené une intense activité politique : il est devenu président du Présidium de la Grande Assemblée nationale – la plus haute fonction politique occupée par un écrivain roumain sous le régime communiste (1947-1948 et 1958).

Il a été président d’honneur de l’Union des écrivains et chef de la délégation roumaine au Conseil de paix de Paris en 1949.

Il a écrit au moins 100 volumes, et plusieurs de ses écrits sont entrés dans le patrimoine de la littérature roumaine comme : « Hanul Ancuţei », « Zodia Cancerului sau vremea Ducăi Vodă », « Baltagul », « Creanga de aur », « Nopțile de sânziene » , « Les frères Jderi », « Le canapé persan ».

Printemps de Mihail Sadoveanu

« Lorsque tu te lèves et quittes la maison,
Le temps devient beau;
Des grues viennent chez toi,
Ramant sous le soleil;
Les gendarmes et les fourmis
Annoncent les hirondelles ;
Un papillon s’accroche à un fil de lumière.

Dès que tu as ri avec tes petites dents
Des fleurs se sont épanouies dans mes yeux.
Le temps s’arrête car tu es arrivée.
Seul mon cœur bat comme un pendule pressé.
« Réjouis-toi qu’il soit ici,
Le temps te trompe » – me dit mon pauvre cœur. »

 

Liviu Rebreanu (27 noiembrie 1885, comuna Tîrlișua, județul Bistrița-Năsăud – 1 septembrie 1944, Valea Mare, județul Argeș) est romancier, dramaturge et  académicien.